La culture alternative est un vivier d’expressions en marge.
Street Art, pub et marketing, l'alliance contre-nature !
Publié le 17 Avril 2016
par
DB-RBV
Voici la dernière campagne à faire bondir tous les puristes du Street Art. L’enseigne Citadium s’est emparé d’un concept et d’une image street artistique pour son dernier coup de marketting. Voilà ce qu’on peut lire sur la page Facebook du magasin d'article de sport de 7 500m², dépendant du magasin Printemps :
#CONTEST T’as toujours pas trouvé le Cityman qui traînait en magasin ? Alors on va te mettre bien…
Cette photo est notre cadeau et sur Insta on a même rajouté une petit vidéo.
Tu sais où le trouver now, viens le chasser pour gagner ta paire origami Gel Kayano Evo !
1 - Rends toi à Caumartin et cherche le bien !
2 – Poste ta photo avec les mentions @citadium @asicstigerhq #OneWithTheCity #Citadium #TaTaille
3 - Les photos les plus fun et créatives seront sélectionnées et on rhabille, gratuitement, tes petits pieds…. #citadium #asics #OneWithTheCity #Chasse #Cityman :
Les collaborations de ce genre, où fusionnent street art et monde de la communication sont de plus en plus nombreuses.
Le street art, un succès planétaire entraîne les anciens rebelles, artistes de surcroît, au service de la publicité. Longtemps assimilé au vandalisme, le street art n'a demandé la permission à personne. Sans producteur, mécène ou validation commerciale, il s'est construit dans la rue où n'importe quel mur pouvait devenir un terrain de contestation. Souvent politique, les prouesses techniques vont même jusqu'au "brandalism" afin de dénoncer la propagation de publicité au sein de l'espace public. Comme dernièrement à Paris.
Contraction de "brand" (marque) et de "vandalism", le"Brandalism", a notamment mené une campagne de subversion inédite, pour contrer l'avalanche de réclames pour les J.O. de Londres. Deux douzaines d’artistes de rues anti-pub ont pris d’assaut et détourné à leur profit durant cinq jours, une trentaine de panneaux publicitaires de Manchester, Londres, Birmingham, Leeds et Bristol :
Que reprochent donc les activistes de "Brandalism" à l'industrie de la publicité ? Ils dénoncent son "impact destructeur", sa manipulation des esprits et sa pollution du paysage. Et ultimement, le fait qu'elle ne demande l'avis de personne pour nous livrer quotidiennement ses injonctions à consommer.
L'un de ces activistes, Bill Posters, connu pour avoir détourné le slogan d'une fameuse marque sportive en "Just Loot it !" (Volez-le!) au lieu de "Just do it! ("Faites-le!"), explique au journal The Independant la pression menée par l’industrie de la publicité :
An article about an artist who sneaks around London plastering verses of poetry over advertising billboards published in The Independent earlier this year elicited huge interest, gaining more than ...
Pourtant les collaborations entre artistes et publicité, se font de plus en plus souvent, et si elles suscitent de nombreux débats, elles restent pour la majorité des créations pour des marques qui appartiennent et relèvent du monde du street art. Umbro, Converse, Obey, Nike, Lacoste s’y sont mis, mais certaines liaisons ont aussi parfois donné lieu à d'étranges résultats. Ainsi Monoprix a dévoilé en septembre dernier une collection "street art" qui n'avait de référence avec l'art urbain que le nom. D'autres collaborations peuvent sonner faux à l'instar des "Os pixadores", un mouvement très contestataire de Sao Paulo qui se retrouve dans une vidéo pour Puma...
D'un discours souvent révélateur de tensions sociales, on a vu apparaître des messages plus mercantiles. Ainsi l'artiste Mark Jenkins a récemment collaboré avec la croix-rouge française en faveur des personnes âgées isolées.
Des associations à but non-lucratifs mais aussi des collaborations avec des marques. Le britannique INSA, devenu incontournable dans le monde du Graffiti notamment par ses GIF-ITI, a récemment coopéré avec Ballantine's pour créer la plus grande peinture animée du monde. Une fresque réalisée à partir d'images prises par des satellites :
Kronenbourg a pour sa part fait appel à l'artiste Kashink. Pour son lancement l’entreprise de l’est de la France a décidé de s’associer à l’artiste bien connue par sa petite moustache et son univers très coloré. L’artiste a décidé de contribuer à l’identité de la marque en associant ses personnages lors de la soirée de lancement le 19 Mars 2014 :
ABSOLUT pour son opération "Absolut open Canvas" a réuni le 22 Juin 2013, un groupe hétéroclite d'artistes contemporains dont Asger Carlsen, Tony Cox, Craig Damrauer, Ara Dymond, Aurora Halal, Dev Harlan, Valerie Hegarty, Katsu, Andrew Kuo, Justin Lowe & Jonah Freeman, Ryan McNamara, Joseph Montgomery, Mark Nystrom, Olek, Rostarr et plus encore. But de la manœuvre, transformer la rue et le quartier de Williamsburg à Brooklyn, New York . En une seule journée, une piscine extérieure d’exposition d'art interactif a pris forme. Artistes , voisins et visiteurs ont assisté à l'expérience du pouvoir transformateur de l'art. Le spectacle a duré une semaine, mais une partie des graffs restera exposé indéfiniment :
Easpack pour sa part, a fait customiser vingt sacs par des artistes du street.
Certaines campagnes combinent les différents procédés pour décupler leur efficacité, la répétition multipliant l’impact visuel. La campagne pour le jeu vidéo Brink a combiné avec succès plusieurs techniques héritées du Street Art aux alentours de Châtelet les Halles. Un bon moyen pour interpeller le passant avec la multiplication des supports visuels sur les murs, sols et même cabines téléphoniques.
Les exemples sont nombreux, mais reste la question de cet étrange alliance. Street art et publicité ne sont ils pas contre nature ? Un mariage pour le meilleur et pour le pire.
Les marques peuvent donc se saisir de cette tendance, car le street art reste un art qui ne se veut pas élitiste, et qui en s'associant à des marques peut transformer l'affiche publicitaire en œuvre d'art pour le consommateur. Un art de tous et pour tous, qui par nature est en phase avec l'âge de l'image, de l’instantanéité d'internet et des nouvelles technologies. Avec des artistes réunis autour d'une même idée : œuvrer au sein de l'espace public, dont la publicité fait partie intégrante. Le graffiti peut donc trouver une place légitime dans une campagne d'affichage afin de retrouver sa fonction d'art urbain. Les marques, elles, devraient rester fidèle à cet esprit au risque de transformer cette discipline encore authentique, en simple marchandise.