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ZiK et ZinC

La culture alternative est un vivier d’expressions en marge.

Sany signe "Girl Power", ou la difficulté d'être femme dans le milieu du graffiti.

Publié le 24 Avril 2016 par DB-RBV

Sany signe "Girl Power", ou la difficulté d'être femme dans le milieu du graffiti.

Ne lui demandez pas d’ôter sa cagoule. Elle ne l’enlèvera pas. Pour Sany, 30 ans, originaire de Prague, où le graffiti est sanctionné, on ne plaisante pas avec l'anonymat quand on est une accro du graffiti.

Sany a chopé le virus à 16 ans. Rentrant du lycée par une belle journée ensoleillée, d’où surnom qui lui colle à la peau (sany = sunny = ensoleillée), et coupant à travers les bois et les zones industrielles abandonnées avec une camarade, elle découvre un tas de bombes aérosols sur la fin, dans une décharge sauvage, sur le chemin de la maison. Les deux lycéennes s’en donnent à cœur joie sur les murs et façades des bâtiments abandonnés. L’élève attentive qu’elle était, avait lors des cours d’histoire apprit que si l'aérosol a été inventé par l’allemand August Schmauss en 1920, c’est un inventeur norvégien, Erik Rotheim, qui fit breveter 9 ans plus tard, l'utilisation d'un récipient sous pression, muni d'une valve pour la diffusion d'une grande variété de produits. Ce principe est mis en application en 1941 avec le premier insecticide en aérosol. Elle savait aussi, par ses cours d’art, qu’ Andy Warhol a exécuté certaines œuvres à l'aide d'une bombe de peinture aérosol associée à
des pochoirs.

En prise à des questionnements, elle n’en dormit pas la nuit, stupéfaite d’elle même, d’avoir osé écrire sur les
murs son nom. Elle était consciente sous le régime communiste de la République tchèque, l'expression de ses propres idées était strictement limité mais l’héritage n’en est que plus fort, comme le témoigne le mur de graffitis le plus légendaire de Prague, le mur Lennon, en tchèque "Lennonova zeď".

Tout touriste digne de ce nom, ne peut manquer le quartier de Malá Strana à Prague. Là, juste en face de l’ambassade de France se trouve ce mur qui clôt le jardin appartenant à l’Ordre de Malte et qui porte le nom du célèbre musicien et compositeur britannique John Lennon. Pourtant, John Lennon n’a jamais mis le pied à Prague. Il était tout simplement devenu par ses prises de positions et ses engagements plus humanitaires que politiques, un symbole de liberté et de paix pour les étudiants tchèques, muselés par le régime communiste et la période de la normalisation de
l’après 1968.

C’est après le 8 décembre 1980, jour de son assassinat, qu’apparaît un premier dessin sur ce mur. Il s’agissait d’une petite fontaine à la forme du visage de John Lennon, avec sa chevelure, et son portrait devenu illisible depuis. En quelques jours, ce mur est devenu le support sur lequel des étudiants de Prague ont commencé à exprimer leur volonté de paix, leur révolte contre la guerre et la dictature. Il devient un lieu de protestation jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. D’une vingtaine de mètres de long, le mur John Lennon est devenu un symbole de paix et de liberté pour beaucoup de gens. Et les manœuvres du pouvoir n’empêchaient pas les gens d’écrire encore et toujours. Si auparavant, le mur était rempli de graffitis contre le pouvoir communiste, aujourd’hui les mots d’amour et de paix sont venus les remplacer. À la plus grande joie des touristes qui s’y pres
sent nombreux.

Sany remarque qu’ironiquement les dirigeants communistes, n’étant pas les plus tolérants pour l'expression ouverte avaient avec leur architecture particulière, créé des plates-formes idéales pour les graffitis par leur monumentalité, leur austérité avec des milliers de mètres carrés de murs en béton, d’une laideur ne demandant qu’un liftin
g de couleurs.

Elle se faisait aussi la réflexion, que pendant la Seconde Guerre mondiale, les aérosols ont été utilisés pour lutter non contre des chars, des hommes ou des sous-marins, mais contre quelque chose de beaucoup plus petit et d’apparence anodin, le moustique porteur du paludisme. Et Sany d’en conclure, que les temps changent. Les aérosols sont maintenant utilisés pour lutter contre les espaces incolores dans les zones urbaines. Et c’est pas plus mal. Parallèlement à de brillantes études, l’artiste tchèque. Au fil de son apprentissage de la dure vie de graffeur, Sany prend vite conscience d'une difficulté supplémentaire. Et de taille ! Le milieu n'est pas très propice aux filles. Elle décide alors de témoigner de cette ‘’culture à part’’, en réalisant un documentaire, Girl Power. Elle va pendant sept ans rencontrer des graffeuses à travers le monde, pour étudier et comparer
leurs travaux.

Girl Power est un documentaire qui présente pas moins de 28 artistes de graffiti féminines d'une quinzaine de villes comme Prague, Moscou, Sydney, Biel, Madrid, Berlin, Toulouse, Barcelone, Cape Town, Kaboul, Rio, Milan, Madrid, Amsterdam et New York. Il raconte en filigrane, l’émouvant parcours de Sany, qui a décidé en 2009 de capter l'émancipation des femmes dans le graffiti sur ce film, et de leur donner la possibilité de s'exprimer. Sany mènera jusqu’au bout son odyssée aux portes de l'impossible. Elle signe aujourd'hui le tout premier film dépeignant les femmes dans le graffiti. Voici la b
ande annonce :

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